Trop près, trop loin
A propos des icônes informatiques reproduites aux murs par des notes adhésives
Les icônes informatiques sont des représentations réduites au maximum de ce qu’elles désignent, elles sont à la limite de l’existant, au bord de la disparition de ce dont elles témoignent. Ces presque-images vivent sur la frontière infime de ce qui rend les choses lisibles et perceptibles. Elles portent en elles les premiers moments, les premières sensations comme des formes irréductibles, qui activent en nous mémoire et émotion personnelles. Leur impersonnalité permet paradoxalement à chacun de faire siennes les images et la part de « vérité » qu’elles transmettent. Comme les granules d’homéopathie portent en elles la mémoire de l’agent pathogène afin de provoquer une réaction de défense de l’organisme malade, les images-icônes sont les traces agissantes d’une mémoire collective qui en réactivent les processus.
Le calibrage imposé par la norme numérique (32X32 pixels) opère une mise à niveau entre les sujets représentés qui dans la réalité sont de dimensions très différentes. Ici ils sont ramenés à une équivalence de tailles qui produit une équivalence de sensations ; l’émotion se fait fi des hiérarchies, elle nous entraîne aussi fortement dans la contemplation d’une miette de pain que dans celle de la voûte céleste.
Les notes adhésives amplifient (700%) l’icône minuscule de l’écran d’ordinateur. Cet effet loupe plaque le spectateur contre la figure reproduite au mur devenu bureau d’ordinateur agrandi et perturbe le rapport d’échelle. Les petits papiers tenus à la paroi par leur faible pouvoir adhésif ne dureront que le temps de l’exposition voir même un peu moins. Ces icônes sont éphémères, images de passage, émotions et mémoires volées à l’érosion du temps.
Ces images de papier touchent au cœur de celui qui les regarde, mais elles réagissent aussi en retour à l’environnement dans lequel elles sont présentées ; qu’une porte ou une fenêtre s’ouvre, qu’un visiteur les frôle d’un peu trop près et les voici agitées d’une onde vibratoire, témoignant de leur passage accompli du monde virtuel de l’ordinateur au monde sensible et réel des corps et de l’espace
François Duconseille
Paris, août 2006
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