CHEZ SERGIO

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Sergio Rojas était un réfugié politique argentin, pour vivre il tenait une empanaderia sur la place du Vieux marché aux vins à Strasbourg. Son commerce était dans une ancienne boucherie alsacienne, tout y rappelait encore l’activité précédente, mais à côté du comptoir vitré où était exposée une grande variété de produits argentins, il avait installé quelques tables qui transformaient le lieu en petit restaurant. A ses heures creuses de la journée, Sergio s’appuyait sur le congélateur qui bordait son espace de vente pour se mettre à écrire, il était écrivain avant toute autre activité. Je n’ai jamais eu l’occasion de le voir ainsi tant Sergio était un homme de la parole et de l’échange, engageant avec tout client franchissant le seuil de la boutique un dialogue affable et généreux.

C’était au début des années 90, je ne sais comment je découvris ce lieu mais y aller devint très vite une habitude qui se nourrit d’un dialogue riche et soutenu avec Sergio. Je retrouvais avec lui une histoire sud américaine dans laquelle je fus plongé 15 à 20 années auparavant par mes liens à Rouen avec les exilés chiliens.

Sergio m’invita à exposer mes travaux dans sa boutique, l’idée me plut car c’était une belle occasion de me pencher sur une partie lointaine mais toujours vive de mon histoire. Je fut durant les années 70 lié à de nombreux réfugiés chiliens arrivés en France, leur histoire a porté la fin de mon adolescence et le début de ma vie d’adulte. Ce fut une des premières manifestations concrètes de ma pratique politique, je participais à leurs discussions (pas toutes) et mettais au service de leur cause mes talents d’artistes pour réaliser affiches et tracts. L’histoire des prisonniers disparus me touchait particulièrement, elle était emblématique de la cruauté des régimes dictatoriaux en place en Argentine et au Chili. Le projet d’exposition était tout trouvé, je travaillerai sur la disparition, sur la perte des visages, sur le souvenir, la mémoire des êtres perdus. Je venais aussi quelques années auparavant de perdre mon père, le lien personnel en était redoublé.

Pour le carton d’invitation, Klaus Stöber fit une photo de moi, une assiette devant le visage et vêtu d’une chemise héritée de mon père.

auto portrait à l'assiett copie

image de la carte d’invitation

© François Duconseille

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BEHIND

et

Le monde est bien fait

performance réalisée 20 ans plus tard à Port-au-Prince

set de table en « mots mêlés », à la recherche des prénoms disparus

photographies exposées aux murs du restaurant , de gauche à droite : Schwarzkopf, Look at me, In between (tirages sur PVC, images encadrées, dimensions 40 X 60 cm)